Homélie de Mgr Matthieu Dupont lors de la messe chrismale

L’huile de la joie, au lieu du deuil ; un habit de fête, au lieu d’un esprit abattu. C’est par ces mots que le prophète Isaïe nous annonce la venue d’un Messie. L’huile de joie, au lieu d’un esprit abattu. En cette messe chrismale, il nous est bon de nous rappeler cette prophétie et de mesurer comment c’est l’Esprit Saint qui va réaliser cela dans son Église. C’est pourquoi ce soir, très simplement, j’aimerais avec vous contempler l’Esprit Saint, don de Dieu qui libère et qui se manifeste en nous.

 

L’Esprit Saint, don de Dieu, nous l’avons entendu dans l’Évangile. Jésus n’a pas dit autre chose, redisant les paroles du prophète Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. » Cette onction descendue sur le Fils de Dieu fait homme, cette onction qui ne cesse d’être répandue dans l’Église par les sacrements et par l’onction du saint crème. Souvenez-vous, vous qui avez été confirmé, l’évêque vous a dit : « Soyez marqué de l’Esprit Saint, le don de Dieu », et a éloigné votre front. Ce don de Dieu est un don qui sauve, est un don gratuit, est un don que nous n’avons qu’à accueillir.

 

Le jour de votre baptême, le jour de notre baptême, nous avons entendu qu’il vous marque de l’huile du salut afin que vous deveniez membre du Christ. L’onction est un don qui sauve, ce don qui sauve est l’appui de notre fidélité. Nous tous ici rassemblés, frères et sœurs, oints par le saint crème de notre baptême et de notre confirmation, nous sommes appelés à nous appuyer sur cette onction pour être fidèles aux promesses de notre baptême.

 

Ce même Esprit Saint a été répandu sur les prêtres au jour de leur ordination lorsque, oignant les mains, l’évêque leur a dit : « Que le Seigneur vous fortifie pour sanctifier le peuple chrétien et pour offrir à Dieu le Sacrifice eucharistique. » Par le baptême et par la confirmation, certains parmi nous sont choisis pour nous offrir le chemin de la sanctification. Une nouvelle fois, don de Dieu.

 

Il y a quinze jours, au jour de mon ordination, lorsque Monseigneur d’Ornellas me oignait la tête, il a pu dire : « Qu’il vous pénètre de sa grâce comme d’une onction spirituelle et rende fécond votre ministère par la bénédiction de l’Esprit Saint. » En étant consacré évêque, je reçois la charge de votre fécondité, je reçois la charge de veiller à ce que vous puissiez être saints et ainsi féconds dans le monde.

 

L’Esprit Saint est un don qui ne cesse d’être répandu dans l’Église par le ministère des prêtres. Nous avons besoin de prêtres pour que ce don continue en notre Église de la Mayenne. Cet Esprit Saint, don de Dieu, nous libère. Nous l’avons entendu dans la prophétie d’Isaïe. Ce même prophète disait : « Proclamez aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération. » Cette libération, cette délivrance, elle nous est encore promise. C’est le fruit du don de Dieu de l’Esprit Saint.

 

Alors, très chers frères, veillons à ne pas être prisonniers, et je cite trois prisons qui peuvent parfois nous assaillir, nous-mêmes et peut-être nos contemporains : prisonniers de la pensée sondagière, ou encore de la pensée dite unique, pensée de slogan qui nous trouble et qui nous embarque. Nous avons à veiller à notre liberté de penser et pour cela, très chers frères et sœurs, il nous faut penser, il nous faut réfléchir, il nous faut user de ce don de l’Esprit Saint qu’est l’intelligence, la sagesse. Il ne nous faut pas nous satisfaire de contre-slogan au slogan dit de la pensée unique. Il nous faut aussi, bien sûr, réfléchir pour veiller à notre liberté de conscience. Il y a une urgence à réfléchir pour faire fructifier cette liberté en nous et dans la société.

 

Nous pouvons, malheureusement, aussi parfois être prisonniers de nos affects, prisonniers de nos sentiments, de nos passions. Cela est entretenu, bien sûr, dans une société qui vise à être comme prisonniers, prisonniers de ce qui parfois peut nous exciter. Il nous faut veiller à notre liberté affective envers les écrans, envers les médias, envers les réseaux. Ne pas considérer que tout cela est mauvais, mais garder une juste distance et une saine chasteté. Alors, il nous faut oser la chasteté contre toute emprise, dans et en dehors de l’Église. Veillons à cette liberté de nos affects, de notre volonté.

 

Veillons ensemble pour ne pas non plus tomber dans cette contre-emprise qui serait réactionnelle à celle que peut parfois nous promouvoir notre société. Enfin, il nous faut aussi, et je le dis avec force, éviter d’être prisonniers de nos schémas, de nos précompréhensions, ces précompréhensions fussent-elles pastorales. Il nous faut veiller à notre liberté pastorale, il nous faut veiller à être dociles à ce que l’Esprit Saint veut aujourd’hui pour notre Église, une docilité qui peut-être troublante car on a toujours fait comme ça, mon Seigneur. Et bien, l’Esprit Saint veut peut-être faire autrement, et c’est ensemble qu’il nous faut oser la docilité à l’Esprit Saint.

 

Depuis le début du Carême, je sollicite votre prière. Bien sûr, pour moi-même, mais surtout je sollicite votre prière pour que notre Église de la Mayenne soit docile, souple, qu’elle puisse répondre aux appels de l’Esprit et à être profondément libre, de cette liberté des enfants de Dieu. Vous l’avez compris, l’Esprit Saint oint l’Église par ses ministres. Si l’Esprit est dans l’Église c’est pour la rendre libre et ainsi capable de réaliser l’œuvre de Dieu ici, dans notre diocèse. Car en effet, nous sommes invités à manifester l’œuvre de Dieu. Nous avons entendu dans l’Évangile, tous dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur Jésus. Pourquoi avaient-ils les yeux fixés sur Jésus ? Parce qu’ils avaient perçu en lui quelque chose, quelque chose qui attirait, quelque chose qui pouvait les porter. Très chers frères et sœurs, est-ce qu’aujourd’hui on peut fixer les yeux sur l’église ? Est-ce qu’aujourd’hui nous portons en nous cette joie, joie qui est fruit de l’Esprit Saint ? Est-ce que nous ne sommes pas parfois trop abattus, trop à nous regarder ? Il y a la nécessité de laisser ressurgir en nous l’onction de l’Esprit Saint pour qu’il puisse se manifester à tous.

 

Nous avons entendu dans l’Apocalypse : tout œil le verra, tout œil est appelé à voir l’œuvre de Dieu dans son église. Cette joie, elle ne se commande pas, elle ne se décrète pas, cette joie, elle est le fruit de la docilité, de l’ouverture à l’esprit. Alors, frères et sœurs, prenons ce soir la décision d’oser, d’oser dire à l’Esprit Saint : « Comme tu veux, par les chemins que tu veux, je choisis de pouvoir me laisser compter », et ainsi en nous et dans nos communautés pourra surgir le fruit de l’Esprit dont nous parle Saint-Paul : le fruit de l’Esprit, amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. Tout cela surgit, germe dans notre église. Il nous faut le reconnaître et le fortifier pour que nous puissions manifester à tous cette œuvre de Dieu.

 

Alors, très chers frères prêtres et diacres, je veux vous redire mon souhait d’être à votre service pour que ce don de Dieu que vous avez reçu à l’ordination soit ravivé. Très chers frères et sœurs bien-aimés ici présents, veillons ensemble à notre liberté, soyons ensemble dociles à l’Esprit Saint, le don de Dieu. Amen.

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