En fin pédagogue, Jésus excelle à enseigner des choses importantes en évoquant des situations ou des éléments du plus simple quotidien. Ainsi en est-il, ce matin, du sel. Nous en connaissons ses diverses propriétés : donner du goût, conserver les aliments, assainir ; mais il peut aussi dénaturer, corroder et détruire. Quelques grains insignifiants qui se fondent et disparaissent dans une préparation suffisent à développer toute la saveur d’un aliment… mais une pincée de trop, c’est mauvais pour la santé… ! et c’est raté !
De même la lumière dont nous avons tant besoin, élément indispensable pour l’équilibre de tout organisme vivant, mais une lumière à utiliser d’une manière adaptée aux circonstances. Le faisceau lumineux d’une lampe de poche peut trouer l’obscurité et me permettre de diriger mes pas sur le chemin, mais n’a pas l’ambition de faire disparaître toute l’obscurité alentour. Tournée vers moi, cette lampe m’éblouirait : je verrais certes la lumière, mais rien d’autre.
Et en ce temps-là, Jésus dit à ses disciples, et donc à nous puisque nous sommes réunis aujourd’hui à l’écoute de la Parole de Dieu : VOUS ETES le sel de la terre – VOUS ETES la lumière du monde. Jésus attend donc que chacun de ses disciples soit cette pincée de sel, juste suffisante, pour mettre en valeur, sans dénaturer, cette lumière qui éclaire, sans l’éblouir, l’espace suffisant pour faire quelques pas…
Question de juste mesure, mais comment la trouver ? Sinon dans les Ecritures. Notamment par les lectures proposées chaque dimanche. Cependant il nous arrive d’oublier les textes du dimanche précédent et ceux qui nous sont proposés nous apparaissent comme sortis de leur contexte. Il est vrai que nous ne faisons pas ou trop rarement le lien avec ce qui précède. Et justement aujourd’hui, je sui frappé par une absence de transition entre le passage des Béatitudes de dimanche dernier : Heureux ceux qui ont le cœur pur, heureux ceux pleurent, heureux ceux qui … Et voici que dans son Evangile, saint Matthieu nous dit que Jésus continue son discours sans transition en disant : VOUS ETES le sel de la terre…VOUS ETES la lumière du monde… cela voudrait-il dire que les Béatitudes, c’est comme le mode d’emploi, la règle de vie pour être ajusté à la volonté de Jésus : être le sel de la terre, la lumière du monde ?
Je le crois. Car bien avant la venue de Jésus, le Seigneur l’avait révélé au prophète Isaïe (1ère lecture) : Partage ton pain… accueille les pauvres… couvre celui qui est sans vêtement… fais disparaître de chez toi ton joug, le geste accusateur, la parole malfaisante, donne à celui qui a faim ce que toi tu désires… alors la lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi, n’est-ce pas une version primitive des Béatitudes prononcées par Jésus et de son prolongement ?
Sel de la terre, lumière du monde ! C’est ce à quoi Jésus appelle chacun de ses disciples, chacun de nous ici, en nous invitant à suivre la proposition de vie du texte d’Isaïe, la proposition de vie des Béatitudes. Cela est sans doute trop fort pour notre seule humanité à moins de nous laisser tout d’abord éclairer par LA lumière du Christ afin que nos gestes et nos paroles évoquent la manière d’être du Christ.
A l’écoute de l’actualité dans notre pays ou dans le monde, il pourrait être désespérant de constater ce qui se vit dans le monde politique, social et financier. L’humanité a besoin de retrouver des repères, le goût de vivre sainement ; le besoin d’un sel qui ne soit pas dénaturé et de la lumière de l’espérance. Témoigner de la Bonne Nouvelle ne se fait pas avec le prestige du langage ou de la sagesse, nous rappelle saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens. Nous n’avons pas à convaincre, mais à laisser se manifester à travers nous l’Esprit Saint et sa puissance afin que nos paroles et nos actes ne reposent pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. AMEN.